Il regardait compulsivement sa montre toutes les deux minutes,
Nerveux, fébrile,
Manifestement angoissé par l'idée que le temps puisse s'arrêter
Ou lui échapper.
14h35.
Soudain le train entra en gare,
Avec vingt bonnes minutes de retard.
Son regard scrutait les quais agités, inquiet.
Après trois ou quatre passages sous la grande horloge prévue
Comme lieu de rendez-vous,
Il dut se rendre à l'évidence:
Elle n'était pas venue.
Une brève consultation de son journal d'appels.
Vierge.
Après un quart d'heure d'attente stérile,
Désolé, désoeuvré,
Le voilà reparti en taxi, seul.
Même pas le goût de suivre la conversion engagée par le chauffeur
Sur les considérations météorologiques du jour.
15h45.
Alors qu'il dégraffait son bouton de chemise, comme pour mieux respirer,
Au coeur d'un bouchon boulevard Marceau,
Son portable vibra.
Et lui aussi.
Il se jeta sur l'écran bleuté et ouvrit le texto illico.
C'était elle!
Il eut à peine le temps de lire " je t ..." que son i-phone le lâcha.
Panne de batterie.
Saisi de panique, il jeta dix euros au chauffeur
Et quitta le taxi en courant vers la gare.
Qu'avait-elle écrit?
" Je t'attends sous la grande horloge "?
" Je t'en prie rappelles-moi "?
" Je t'aime, ne t'inquiète pas, j'arrive "?
" Je t'ai loupé à la gare" ?
...
En sueur, affolé,
Reboutonnant sa chemise en pleine course,
Il se lancait dans une course alléatoire
Sur les larges trottoirs mouillés,
Avec cette étrange sensation d'espoir et de peur mêlés.
16h18.
Retour en gare.
Quelques collisions avec des passants encombrés de valises.
Des "pardons" lancés à la volée.
Deux escaliers franchis en trois bonds.
Une série de dérapages.
16h22: arrivée essoufflée sous l'horloge.
Personne.
Grand désert.
Extrême détresse.
Sous l'oeil intrigué d'un chef de gare plein d'ennui,
Un dernier regard sur l'i-phone, désespérément éteint.
Et toujours cette question:
Qu'avait-elle écrit bon sang?
" Je te quitte "?