Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
3 octobre 2016 1 03 /10 /octobre /2016 06:50

Tu avances dans le noir.

Tu as froid, tu as faim, tu as peur.

Tu as déjà perdu quelques compagnons en route.

Tu as caché ta femme et tes enfants en leur promettant de revenir les chercher dès que tu auras trouvé un toit protecteur.

Voilà plusieurs semaines que tu marches.

Tu as traversé des montagnes, tu as nagé.

Rocailles périlleuses et eaux glaciales.

Tu vises toujours cet horizon incertain dans lequel tu places tant d'espoirs.

A l'énergie.

L'amour de tes enfants comme essence.

Tu te rappelles de cette terre que tu as quitté, la France, et qui t'as vu naître, grandir et être heureux.

Aujourd'hui c'est le chaos.

La guerre civile a éclaté.

Tu fuis les monstres que tu as vu naître, ceux qui refusent l'étranger, la différence.

Ceux que tu as osé défier.

Tu as choisi le camp des plus faibles, celui des minorités opprimées.

Tu es traqué.

Comme une bête appeurée.

Tes mains se sont écorchées à des barbelés.

Tes pieds souffrent, dérapent, s'entravent.

Tu sens mauvais.

Tu transpires, tu gémis.

La fuite n'est plus que la seule issue.

La survie est en jeu.

Ils sont là, à tes trousses, armés et toujours haineux.

Tu refuses de penser comme eux.

Tu as embarqué sur un frêle radeau.

Accroché à un rêve d'eldorado.

Dans des creux profonds de vagues sombres.

Tu as donné tes derniers billets à un passeur peu scrupuleux.

Tu tatônnes.

Tu pars à l'aventure, au risque d'y laisser ta vie.

Tu mises tout sur un coup.

Tu pleures les soirs, après une journée de marche, en pensant à ta famille.

Puis tu sers les dents, sans dormir.

Tu chavires.

Tu recommences.

Tu te glisses sous des trains, des camions.

Tu te cognes de partout.

Tu te caches.

Tu vomis.

Tu n'existes presque plus.

Tu gardes la photo de tes enfants dans une poche, près du coeur.

Tu trembles.

Tu te bats.

Tu franchis.

Tes yeux fixent une lumière vive.

Tu y es enfin.

...

Et c'est là,

Dans ce nouveau pays qu'on te disait accueillant, libre et heureux,

 Que tu as trouvé un village, un abri, un foyer,

Un bol de soupe, une main tendue,

Où comme toi d'autres se sont réfugiés

...

Et où pourtant tu es surpris de découvrir, aux abords du campement, de nouvelles haines,

De nouvelles hostilités,

Celles-la mêmes que tu as tenté de combattre jadis dans ton pays,

Les mêmes regards méprisants,

Des manifestations de colère, des coups de feu, des banderoles anti-réfugiés,

Germes d'un mal en gestation,

Promesses de lendemains désenchantés...

Jusqu'où devras-tu fuir pour croire encore en tes idéaux?

 

Partager cet article
Repost0

commentaires

Chez Vince

Copyright

Conformément à l'article L111-1 du Code de la Propriété Intellectuelle, l'auteur vous informe que les écrits de ce blog sont protégés.