Plaidoyer pour la liberté
Lettre ouverte aux citoyens du monde
On entend ici et là s'élever des voix qui condamnent à la fois la tuerie de Charlie Hebdo et les caricatures du prophète! Dilemme insoutenable.
Comment se sortir de ce paradoxe?
Eléments de réponse:
Charlie Hebdo n'a jamais insulté le prophète! Charlie a caricaturé le monde, toutes les religions, tous les courants politiques, toute notre société avec ses vices et ses faiblesses, sans parti pris idéologique, pour nous faire réfléchir un peu au lieu de nous fanatiser! La caricature est une invitation à la réflexion, une ouverture culturelle, un élan d'éducation au libre-arbitre, aussi dérangeante soit-elle. Le discours qui consiste à condamner l'oeuvre de Charlie est un discours anti-répubicain, avec tout le respect que je dois à chacun dans sa liberté de croire. Bien sûr que ces assassins ne peuvent pas être représentatifs de l'islam. Mais on ne doit pas laisser dire que cet attentat est le fruit presque légitime d'une provocation journalistique. Le fanatisme empêche de réfléchir. Le prophète, si il est si grand et si puissant, devrait avoir assez d'humour et d'intelligence pour partager cet avis.
La haine et la violence s'installent là où l'ignorance leur fait de la place, là où les mots manquent, là où l'expression est devenue impossible.
La tyrannie terroriste est le résultat d'un apprentissage démocratique râté. La faute à qui?
La faute à l'Etat français d'abord qui se gausse de sa devise républicaine sans jamais avoir réussi à établir une politique de mise en œuvre des principes d'intégration laïque.
Depuis plus de trente ans les politiques confondent intégration et assimilation.
La marche des beurs de 1983 était le premier avertissement démocratique.
Aujourd'hui, les oubliés de la république les plus radicaux ne s'expriment plus par la manifestation démocratique, comme ils auraient pu le faire devant les fenêtres de Charlie Hebdo s'ils avaient eu encore de l'espoir. Non, ils prennent les armes. Pied-de-nez ironique au refrain de l'hymne national «aux armes citoyens ».
Ces failles démocratiques, ce sont les fondamentalistes religieux qui ont sû s'y engouffrer.
Prospection organisée de jeunes déboussolés. Manipulation des consciences sous forme de réinterprétations religieuses. Incitations à la haine. Prises de pouvoir brutales.
Les religions ? Que font-elles ?
A travers les discours des plus modérés elles tentent de calmer le jeu. Elles se cherchent une identité représentative.
Sont-elles seulement elles-mêmes crédibles quand on sait tout le sang versé par delà le monde à cause d'elles ?
Désillusions sociales, culturelles, cultuelles... Tout était rassemblé pour que le cocktail soit explosif.
Le symbole républicain de la liberté d'expression en a directement fait les frais, celui-là même qui a déçu certains par le passé, jamais entendus. Nous n'en sommes même pas surpris.
Alors oui aujourd'hui on parle de « sursaut », politique, religieux... Les marches et rassemblements d'idéologies diverses se multiplient.
Le raciste primaire, le militant altermondialiste, l'imam modéré, le politique en parade vont même défiler côte à côte, arborrant le même autocollant « je suis Charlie »... Et après? Ont-ils seulement un langage commun ?
La vraie question n'est-elle pas de donner enfin du sens à un véritable engagement démocratique ?
De créer les espaces qui permettent cette élaboration, l'« agora », au sens grec du terme, comme « démocratie » d'ailleurs, là où se joue vraiment la construction d'une société?
Nous avons du retard, nous avons de réels handicaps. Citoyens, reprenons le pouvoir sur nous-mêmes ! Refondons ensemble les valeurs que nous voulons pour nos enfants ! N'excluons personne de ce débat et regagnons ensemble le terrain laissé en friche depuis trop longtemps !
Organisons les espaces et les conditions d'expression de l'intelligence collective ! Soyons inventifs, innovants, créatifs, libres. Soyons Charlie.
Vince